L’Histoire à travers les comics : 1ère partie (de Superman à Black Panther)

Pour étudier les époques précédentes, l’apprenti historien aura forcément tendance à se tourner vers divers preuves archéologiques, des peintures ou encore des écrits véridiques sur de grandes batailles ou sur l’observation d’un peuple… mais il négligera presque toujours les œuvres de fiction. Pourtant, malgré que celle-ci comportent bien évidemment une énorme part d’inventivité, quelques-unes montrent bien l’évolution de la pensée d’un peuple, reflètent des grands événements ou des critiques plus ou moins cachées envers des dirigeants. Prenons par exemple les romans d’Emile Zola, qui nous montre l’envers du décor dans les quartiers pauvres, les grands magasins ou encore du travail dans les mines au 19ème siècle. De même pour de nombreux grands films de science-fiction anticipative, montrant les craintes des gens de l’époque pour le futur (Soleil vert, L’armée des 12 singes jusqu’au récent et excellent Interstellar). Et les comics n’échappent pas à cette règle !
1938, les habitants de Métropolis voient pour la première fois un homme faire d’immenses bonds au-dessus des gratte-ciel. Son nom est Superman et il peut faire bien plus que se déplacer dans le ciel : il possède une grande force et une résistance hors du commun, ainsi que des yeux lasers et une vision X, entre autres. A première vue, il n’est pas vraiment représentatif de son époque…mais seulement à première vue. En effet, s’il est inspiré de plusieurs figures intemporelles (Moïse, Hercules ou encore des athlètes de cette époque ), on peut remarquer un détail significatif dans son histoire : Kal-El, venu d’une autre planète, arrive sur Terre et prend un nom plus commun, Clark Kent, pour pouvoir s’intégrer dans la foule. Et oui : Jerry Siegel et Joe Shuster ont bel et bien décrit l’expérience des immigrés arrivant sur le sol américain, dont faisaient partie leurs parents ! Ce premier super-héros connait un tel succès qu’une folie s’abat sur les Etats-Unis, faisait naître une centaine d’encapés chez une vingtaine d’éditeurs, dont notamment Batman chez DC, fortement inspiré par les personnages de polar très réputés durant les années 30.
Mais alors que chez l’Oncle Sam, tout va relativement bien, ce n’est pas le cas en Europe, où un petit bonhomme moustachu du nom d’Hitler, au pouvoir en Allemagne avec son parti nazi, commence à devenir de plus en plus menaçant et à cause de qui la guerre finit par éclater. C’est pourquoi le 20 décembre 1940, alors que les Usa ne sont pas encore intervenu en Europe, un comics culte fait son apparition où l’on voit en couverture le Führer se prendre une bonne droite par un personnage ornant fièrement les couleurs de son drapeau à travers ses habits ou son bouclier : il s’agit bien entendu de Captain America, évoquant un patriotisme nécessaire pour que les américains s’engagent afin de combattre l’ennemi et pour que les plus jeunes éprouvent du respect envers ces soldats. Ce numéro historique marque l’entrée en guerre chez les super-héros : à l’instar de leurs compatriotes les canards Donald et Daffy Duck, les justiciers masqués se retrouvent dans des œuvres de propagande, empreintes d’un racisme qui était à l’époque acceptable (notamment dans la représentation des japonais), où ils combattent courageusement les forces de l’axe, ridiculisant au passage leur leader. Ainsi, même le roi des atlantes Namor, autrefois ennemi de l’humanité, prend position contre les allemands et l’ancien super-héros Daredevil (qui n’a rien à voir avec l’aveugle que nous connaissons) profite d’une visite d’Adolph en Afrique pour lui couper un bout de la moustache ! Cette époque marque aussi l’apparition de nombreux super-héros patriotiques, qui n’atteindront cependant pas l’immense popularité de Steve Rogers à ce moment. Ces combattants sont même rejoints en 1941 par la première super-héroïne de l’histoire, Wonder Woman, qui marque le début d’une lutte enragée pour que les femmes soient mieux reconnues dans les comics, une lutte qui continue encore de nos jours.
Mais la guerre doit (heureusement) bien finir à un moment, et le retour des américains à leurs foyers marque également le chômage de nombreux super-héros créés pour combattre les nazis, à commencer par Captain America lui-même. Et ce n’est que le début de la décennie la plus sombre pour les justiciers masqués, rattrapés par les mœurs plus que douteuses de cette époque. En effet, le docteur Fredric Wertham publie un livre résolument anti-comics où il démontre notamment que Batman et Robin entretiennent une relation homosexuelle. Pour rappel, à ce moment, vous auriez pu aussi bien être sataniste qu’homosexuel que ça n’aurait pas fait de différence pour l’opinion générale. On est donc bien loin des memes Internets rigolos sur ce sujet ! Ce livre conduira à l’adoption de la stricte Comics Code Authority, qui interdit de nombreuses choses dans les œuvres de super-héros et qui entraînera la disparition de nombreux justiciers. Les comics restant sont bien trop niais pour en retirer quoi que ce soit reflétant l’époque (pour vous donner une idée, la série tv Batman avec Adam West est inspirée de ses aventures durant cette période )… jusqu’à ce qu’un certain Stan Lee créé, avec son complice Jack Kirby, les 4 fantastiques en 1961 ou le vrai début de la grande épopée Marvel !

Une image bien triste… Des comics brûlés avec joie près d’une école suite aux dires de Fredric Werthman !
Cette série est bel et bien le reflet de son époque : alors que le président vient de poser comme objectif d’envoyer des américains sur la lune d’ici la fin de la décennie et que le pays se passionne donc naturellement pour les étoiles, les héros sont d’anciens astronautes ayant obtenu leurs pouvoirs après un voyage dans l’espace. On retrouve aussi, malheureusement, un cliché assez négatif des années 60 qui est un machisme un rien ambiant. Si l’équipe compte bien une femme à ses côtés, en la personne de Susan Storm alias la femme invisible, celle-ci se fait très souvent capturer ou est toujours la première à être mise hors de combat. Et bien entendu, c’est à elle de laver les costumes du groupe salis par un combat ou de préparer le dîner pour ses partenaires, affamés après un duel avec Fatalis. Pour autant, l’ami Stan prend position contre certaines idées circulant dans son pays à cette époque. En effet, les années 60 marquent la révolution mouvementée des noirs contre la ségrégation raciale : il y a des manifestations et des violences de plus en plus prononcées contre les noirs. La réponse de Lee et de Kirby réside dans le personnage de la panthère noire, créé en 1965, qui est le premier super-héros noir, alors que la ségrégation n’était pas encore complétement finie (ce ne sera qu’en 1967 qu’on autorisera le mariage interracial par exemple).
T’challa vivait heureux auprès de son père T’chaka, qui dirigeait le royaume du Wakanda, réputé mondialement grâce à ses mines de vibranium. Jusqu’au jour où Klaw, un colon néerlandais, vint pour prendre le métal rare, tuant le roi au passage et propulsant un T’challa désemparé mais triomphant de ses ennemis à la tête du royaume. Sous son règne, celui-ci se développera, bénéficiant des plus grands supports technologiques de la planète, étonnant même le fantastique Reed Richards. Cette histoire, qui est également contre le colonialisme qui touchait à sa fin à cette époque ; sera selon la légende très inspirante pour les jeunes afros-américains, ayant enfin un justicier à qui s’identifier. Malheureusement, l’année suivante, un parti extrémiste prendra le même nom que l’alias de T’challa (peut-même en sorte d’hommage, même si cela n’a jamais été confirmé) et prendra tellement d’importance que Marvel sera obligé de renommer son personnage Black Leopard pour un moment. Stan reprendra position dans la lutte des races à travers son personnage phare Spider-Man en 1969 dans une manifestation étudiante et avec le personnage d’Hobbie Brown (plus d’informations sur ces 2 événements dans mon article sur le personnage du Rôdeur).
Et ce n’est qu’une partie des événements de l’époque qui étaient reflétés chez les premiers super-héros de l’oncle Stan… On peut ainsi observer les mœurs et les craintes des années 60 chez Hulk, les X-men et surtout Iron Man ! Mais nous verrons cela dans la seconde partie de l’histoire à travers les comics… En attendant, n’hésitez pas à commenter cet article, et peut-être même à le partager s’il vous a vraiment plu !